OPERATION JUBILEE
19 aout 1942 opération jubilée
Les troupes sont sous les ordres du capitaine de vaisseau Hugues Hallett, pour les forces navales, du général Roberts, commandant la 2e division d'infanterie canadienne, pour les forces de débarquement et du vice-maréchal de l'air Leigh Mallory, pour l'aviation.
Les forces de débarquement comptent quelque 4 965 Canadiens et 1 100 Britanniques ainsi qu'une cinquantaine de Rangers américains et quelques hommes de la France combattante répartis au sein des unités canadiennes et britanniques, soit au total plus de 6 000 hommes. La flottille destinée au transport des troupes et à leur mise à terre se compose de près de 200 bâtiments ou engins de débarquement. Huit destroyers, dont un battant pavillon polonais, constituent le corps de bataille de l'expédition.
Le dispositif de soutien comprend deux canonnières, une trentaine de ved-ttes et de chaloupes à moteur, ainsi que sept chasseurs de sous-marins français, dont trois armés par la Royal Navy et quatre par les Forces navales françaises libres. L'appui aérien est assuré par près d'un millier d'appareils, essentiellement des chasseurs britanniques et quelques bombardiers américains.
La défense de Dieppe incombe à la 302e division d'infanterie allemande. Les effectifs sur les différents lieux de débarquement sont estimés à un total de quelque 2 000 hommes. De Berneval à Varengeville, le front s'étend sur dix-huit kilomètres. Des batteries de côte et de campagne, des pièces antichars, des nids de mitrailleuses, des blockhaus et divers ouvrages fortifiés défendent la côte et le port. Des barrières de barbelés, voire des murs et des fossés antichars barrent les plages principales. Au large, l'accès à la côte est défendu par un important champ de mines. La couverture aérienne repose quant à elle sur quelque 400 appareils de la Luftwaffe, des chasseurs pour la plupart.
Le 18 août, à 10h00, l'ordre d'exécution définitif est donné. Les troupes embarquent dans l'après-midi à Newhaven, Southampton, Shoreham et Portsmouth, au sud de l'Angleterre. Dans la soirée, les bâtiments des forces de débarquement appareillent.
Le 19 août, vers 3h00, les opérations de débarquement commencent. Les hommes des quatre premières vagues d'assaut prennent place à bord des péniches destinées à les transporter sur leurs lieux de débarquement respectifs. Tout se passe bien jusqu'au moment où la canonnière ouvrant la voie au commando n° 3, qui doit débarquer sur les plages de Berneval et de Belleville-sur-Mer, se trouve prise dans un convoi allemand en provenance de Boulogne. L'affrontement s'engage. L'unité britannique essuie des pertes sérieuses, tant en hommes qu'en matériels, et ne peut plus opérer qu'avec des moyens restreints.
Le commando n° 3, qui ne compte plus que sept embarcations sur vingt-trois, se rend sur son objectif. Débarqués à Belleville, sur la plage du Val-du-Prêtre, à 4h45, les dix-neuf hommes du major Young atteignent le plateau et parviennent à neutraliser la batterie de Berneval pendant une heure et demie. À 8h10, à court de munitions, les hommes rembarquent. Mais à Berneval-plage, l'opération échoue. Les Anglais débarquent sous le feu nourri des Allemands. Ils sont une centaine à s'élancer sur la plage où les tirs ennemis rendent toute progression impossible. Vers 10h00, bloqués au pied des falaises après une lutte de près de cinq heures, les commandos se rendent sans avoir pu rejoindre les hommes de Young.
A l'autre extrémité de la zone d'opération, le commando n° 4 est chargé de neutraliser la batterie de Varengeville-sur-mer. Divisés en deux groupes, les 250 hommes du lieutenant-colonel lord Lovat débarquent à Vastérival et Quiberville et détruisent les six pièces de la batterie après l'avoir enlevée à la baïonnette. Ayant accompli leur mission sans trop de pertes, les Anglais se replient et rembarquent vers 7h30, emmenant quatre prisonniers allemands.
A Puys et à Pourville, en amont et en aval de Dieppe, ainsi qu'à Dieppe même, l'exécution des opérations incombe aux Canadiens. Parvenus à destination, ils sont presque partout pris sous les tirs continus de l'ennemi et restent pour la plupart cloués sur les plages.
Débarqués à Puys avec un quart d'heure de retard sur l'horaire prévu, les hommes du Royal Regiment of Canada, bloqués par le mur qui coupe la plage en deux et ne leur offre aucune protection, sont anéantis dès les premières minutes du débarquement. Seuls une vingtaine d'entre eux parviennent à quitter la plage. Les pertes sont terribles : sur quelque 650 hommes, 128 sont tués et plus de 250 faits prisonniers. L'opération est un échec total. Les défenses allemandes situées sur la falaise qui commande l'accès sur Dieppe, notamment, ne peuvent être neutralisées.
Le South Saskatchewan Regiment et les Queen's Own Cameron Highlanders of Canada, débarquent à l'heure prévue à Pourville, sans rencontrer trop de difficultés. Poursuivant leur progression à l'intérieur des terres, les hommes se heurtent cependant à une résistance de plus en plus vive. Après s'être emparés de quelques positions, ils sont contraints de céder le terrain et rembarquent en fin de matinée. Les pertes sont sévères . sur un millier d'hommes, à peine plus de la moitié parvient à rembarquer à Pourville.
À 5h20, l'attaque frontale sur Dieppe s'engage. Le Royal Hamilton Light Infantry et l'Essex Scottish débarquent sous un déluge de tirs des batteries allemandes. La plupart des Canadiens restent coincés sur la plage tandis qu'une poignée d'hommes parvient à investir le casino et à pénétrer à l'intérieur de la ville. Trop peu nombreux, ils ne peuvent aller bien loin. Les chars de combat, amenés sur des LCT (landing crafts tanks) spécialement aménagés, restent pour la plupart immobilisés sur la plage. Pris sous le feu de l'ennemi, ils sont systématiquement détruits et ne peuvent apporter un soutien efficace.
Ceux qui atteignent l'esplanade, bloqués par les dispositifs antichars, ne peuvent entrer dans la ville. Les Fusiliers Mont-Royal et les commandos des Royal Marines, débarqués en renfort, ne peuvent plus renverser la situation. Au final, aucun des objectifs n'est enlevé.
Sur les plages, ce n'est que désolation. À 9h35, l'ordre est donné de se préparer à évacuer ce qui peut encore l'être
À 13h30, le dernier bateau quitte la côte pour rejoindre l'Angleterre, laissant derrière lui quelque 3 000 hommes, tués ou prisonniers. Les véhicules, l'équipement et de nombreuses armes sont abandonnés sur place. Neuf heures après le début de l'attaque, l'opération se solde par 1 197 morts ou disparus, près de 1 500 blessés et quelque 2 000 prisonniers, dont la plus grande partie dans les rangs des Canadiens (plus de 900 morts). 34 bâtiments, dont un destroyer, et 108 avions alliés sont perdus. Du côté allemand, les pertes sont estimées à 350 tués ou disparus, quelques centaines de blessés et 34 prisonniers. La Luftwaffe perd 48 appareils.
Une sous-estimation des défenses allemandes, la faiblesse des moyens consacrés au soutien aérien et naval, l'emploi de matériels inadaptés, la carence des transmissions, la rigidité excessive du plan d'action sont les raisons le plus souvent retenues pour expliquer cet échec militaire. Elles sont autant de leçons, chèrement payées, dont les Alliés tirent les enseignements pour la préparation des débarquements ultérieurs : Afrique du Nord, Sicile, Italie... et, finalement, Normandie
propagande allemande .Libération des prisonniers dieppois
Dès le lendemain, le chef du gouvernement français Pierre Laval écrit au maire René Levasseur :
« J'ai appris avec une profonde satisfaction comment les fonctionnaires et la population se sont comportés hier. Au nom du Maréchal et en mon nom, je leur adresse toutes mes félicitations pour la discipline et le calme dont ils ont donné en présence de ces événements, un magnifique exemple. »
Lorsque le général Carl-Heinrich von Stülpnagel, commandant en chef (Militärbefehlshaber) des troupes d'occupation en France, apprend la nouvelle, il met à disposition du préfet de la Seine-Inférieure, le 22 août, une enveloppe de 10 millions de francs dédiée au « remboursement des dommages de guerre » et au « secours aux victimes civiles des bombardements anglais ».
Le geste est inhabituel, mais René Levasseur ne veut pas s'en contenter et il demande la libération des prisonniers dieppois, pour la plupart capturés pendant la bataille de France en 1940. Avec le sous-préfet Michel Sassier, ils négocient avec l'Oberkommando der Wehrmacht (OKW) cette mesure qui devrait être étendue aux autres villes touchées par les récents combats. La requête remonte jusqu'à Adolf Hitler, qui accepte. Le 25 août, un télégramme envoyé de Berlin apporte la nouvelle :
« En reconnaissance de cette attitude de la population civile française, le Führer a ordonné que les prisonniers français domiciliés à Dieppe, Neuville-lès-Dieppe, Hautot-sur-Mer, Pourville, Petit-Appeville, Arques-la-Bataille soient libérés »
La nouvelle paraît dans la presse le lendemain et provoque une joie immense que le journal local La Vigie décrit : « chacun s'interpellait de porte en porte, on parlait de l'absent ; des larmes de bonheur coulaient des yeux de l'épouse, de la mère, de la fiancée qui comptent maintenant les jours qui les séparent encore de leur bien-aimé ».
Les Allemands n'ignorent pas que l'attitude passive des Français pendant les combats était commandée par les tracts anglais largués par avion avant le raid. Il est probable qu'avec cette initiative généreuse ils cherchent avant tout à atteindre un objectif de propagande et à renforcer les liens avec le régime de Vichy.
La liste des hommes à libérer est établie en toute hâte : la Croix-Rouge n'a qu'une liste de quelques centaines de noms, le maire en a quelques-uns aussi et les Allemands l'exigent pour le 28. Les services municipaux travaillent jour et nuit et une voiture équipée d'un haut-parleur parcourt les rues pour demander aux familles de faire recenser leurs parents concernés. Le 29 août, c'est une liste de 1 200 noms qui peut être envoyée au Militärbefehlshaber in Frankreich. Le 7 septembre, une liste supplémentaires de 600 noms est transmise.
Au total, 1 581 prisonniers reviennent des stalags et des oflags en trois convois : 984 arrivent le 12 septembre, 316 le 12 octobre et 281 les 14 et 15 mai 1943 Les détenus de Belleville-sur-Mer, Berneval, Sainte-Marguerite et Varengeville ne sont pas libérés. Les 10 millions de francs promis sont versés, mais doivent être partagés avec Rouen qui avait été bombardée le 17 août. À la libération de la ville par la 2e division du Canada le 1er septembre 1944, René Levasseur est destitué et remplacé par Pierre Biez
Date de dernière mise à jour : 18/08/2024
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